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Lizeth Heliandil BG#36

– Ma foi, c’est une bien triste histoire ! conclut Siloinsiproche en rompant le silence le premier. Néanmoins, jeune fille, il me semble que tu as manqué là ta vocation, tu aurais fait une excellente ménestrelle !

Les autres attendaient probablement une réaction, mais je n’arrivais pas à trouver les mots, moi-même encore secouée par les paroles que je venais de chanter. Ma sœur et moi l’avions composée ensemble il y a si longtemps à l’occasion de l’anniversaire de mère. Celle-ci était une passionnée d’Histoire et aimait par-dessus tout celle de la Forêt Noire – enfin, c’est ce que nous supposions, car elle mettait toujours tellement de ferveur à nous l’enseigner. Il ne m’étonnait pas que notre chanson puisse émouvoir ceux qui l’entendaient, mais je ne m’attendais pas à être moi aussi touchée, non pas par les erreurs de mon peuple – il ne fallait pas le nier, mais par la nostalgie que je pouvais ressentir pour ma terre natale.

– Lizeth est trop peu patiente avec les cordes d’une harpe ou d’un luth, maître nain, répondit Kintyra à ma place. S’il y a des cordes qu’elle n’a pas encore cassées, ce sont bien celles de ses arcs !

Je sentis mes oreilles chauffer et le regard lourd que je lançai à ma sœur sembla au contraire l’amuser. Elle éclata de rire et fut suivie par d’autres qui appréciaient sûrement la plaisanterie. Il était vrai qu’il y a quelques dizaines d’années l’on m’avait mis entre les mains un luth et qu’avant la fin de la toute première leçon, j’avais malencontreusement cassé deux de ses cordes. Je les avais apparemment tirées trop fort et avais dû me rendre à l’évidence qu’il m’en faudrait des plus solides. J’avais alors décidé de laisser de côté le pauvre instrument avant de me diriger directement vers la maison de l’instructeur de tir à l’arc.

– C’est pourtant dommage de gâcher une si jolie voix, reprit le nain ménestrel plus tard alors que nous partagions le repas.
– Je ne crois pas avoir entendu la vôtre, annonçai-je en haussant un sourcil après avoir bu une gorgée de soupe.
– Tu serais étonnée, petite ! Mais je réserve mes talents pour les plus importantes occasions !
– J’espère alors être là quand vous vous représenterez.
– Ça me fera sûrement plaisir !

Ma sœur me tendit un gobelet d’eau et j’utilisai ce prétexte dans l’espoir que le nain porte son attention sur quelqu’un d’autre. J’étais fatiguée et ressentais alors les conséquences de ma très courte nuit. Je me levai de mon rondin de bois et pris la direction des escaliers. Je voulais me rafraîchir à l’eau de la cascade qui coulait en contrebas.

Après m’être débarbouillée, je m’assis près de là et posai la tête sur mes genoux, m’entourant les jambes avec les bras. Je me mis alors à écouter le son de l’eau sur la pierre et je dus m’assoupir quelques secondes quand on posa sur mes épaules une couverture. Un frisson me parcourut le dos et je remarquai que j’étais glacée. Je serrai le tissu contre moi.

– Tu as l’air au bout du rouleau, tout va bien ? me dit Amynduilas en s’accroupissant près de moi.
– Je manque de sommeil, lui dis-je en me frottant les yeux. Je ne pensais pas que je m’endormirais, ce n’est pas d’ailleurs pas le moment…
– Il n’y a pas de mal, certains se reposent aussi, Galaenthir a annoncé que dès que la tempête serait passée nous reprendrions le chemin, qu’il fasse encore jour ou non. Tu devrais te mettre près du feu, tu risques d’attraper froid ici.
– Tu as raison, dis-je.

Amynduilas se releva et me tendit la main pour m’aider à faire de même. Il m’attira doucement vers lui et au lieu de me lâcher il s’approcha d’avantage de moi.

– Ta chanson m’a beaucoup touché, tu sais ? me dit-il très sérieusement. C’est un grand hommage que tu as fait à nos frères tombés à Dagorlad.

Il marqua une pause et voyant que je ne réagissais pas – à vrai dire, je n’y arrivais pas, il me sourit légèrement, et reprit à voix basse en s’approchant de mon oreille :

– J’aimerais aussi appuyer ce que Siloin a dit tout à l’heure… ta voix est vraiment superbe.

Il serra un peu plus ma main pendant une seconde puis il se recula pour me regarder.

– M-merci, balbutiai-je finalement, confuse.

Je me perdis dans le gris de ses yeux un moment et m’y serais volontiers noyée si nous n’avions pas été interrompus par une dispute qui venait d’éclater plus haut. Je reconnus la voix de Kintyra et il me sembla que l’autre était celle du chef.

– Allons voir, proposai-je à Amynduilas en lâchant à regret sa main.

En montant les marches de l’escalier, je vis que tout le monde formait l’équivalent d’un cercle autour de ma sœur et de Galaenthir.

– Mais enfin, c’est absurde, je voulais juste… commença Kintyra sur la défensive.
– Continuons cette discussion à l’extérieur, veux-tu ? lui ordonna Galaenthir.

Je pouvais voir de là où j’étais le visage mécontent du chef. Il tenta de pousser Kintyra vers la sortie mais au moment où il posa sa main sur son épaule, ma sœur la lui retira immédiatement. Elle lui jeta alors un regard noir que je ne lui avais jamais vu. Je m’approchai du cercle et demandai à qui voulait bien me répondre ce qu’il s’était passé.

– Kintyra a demandé à Refr si elle pouvait utiliser le pigeon qu’il possédait pour envoyer un message une fois que la tempête serait passée, me répondit spontanément Orriath.
– Et c’est pour un simple courrier que le chef s’est mis dans cet état-là ?
– Il y a plus que cela Rosalynd, reprit-il, ta sœur a préféré jeter la lettre au feu plutôt que de la montrer à Galaenthir quand il le lui a demandé.
– Mais pourquoi aurait-elle fait cela ?
– Galaenthir ne fait pas confiance à ta sœur, tu dois déjà le savoir, n’est-ce pas ? intervint Thalesir sur ma gauche. Il doit penser qu’elle essaye d’envoyer des informations à l’ennemi. Il se fait du souci pour la vie d’Habricotine et il ne supportera pas que quelqu’un comme Kintyra lui mette des bâtons dans les roues.

J’avais peine à croire ce que le nain disait, mais j’avais bien remarqué la méfiance du chef envers Kintyra. Il me l’avait bien fait comprendre lors de notre entretien il y a quelques jours. Mais même en supposant que ses doutes soient fondés, il aurait été mal avisé d’agir aussi peu discrètement. Cependant, je ne pouvais me mentir à moi-même : le fait d’avoir brûlé le message était suspect. Que se passait-il donc ?

Je décidai de ne pas argumenter plus en avant. Je commençais à avoir moi aussi de sérieux doutes, mais je refusais de concevoir que ma propre sœur puisse être capable de cela. Elle avait toujours été la plus forte de nous deux, et les épreuves qu’elle avait subies ne pouvaient que renforcer la rancœur qu’elle ressentait contre ceux qui les avaient enlevées et torturées, elle et notre mère.

Ne sachant plus ni quoi dire, ni quoi faire, je me dirigeai vers mes affaires. Je m’arrêtai soudain net.

– Oh, non… lançai-je à mi-voix.

Le sac de Kintyra n’était pas à côté du mien et il ne me fallut pas une seconde pour m’en vouloir de ne pas l’avoir remarqué alors que Galaenthir et ma sœur sortaient. Laissant glisser au sol ma couverture, je me précipitai vers la porte. Une voix derrière moi tenta de savoir ce que je faisais, mais trop soucieuse du pire, je m’engouffrai en enfer.

Dehors, le vent et la pluie battante ne permettaient pas une bonne visibilité. Les éclairs déchiraient parfois le ciel et presque instantanément on pouvait entendre le craquement qu’ils faisaient en frappant le sol de terre et de pierres. Je courus jusqu’à l’entrée de la petite grotte où nous avions laissés nos montures, mais avant de l’atteindre je dus m’écarter brusquement pour éviter d’être renversée par le cheval qui venait d’en sortir.

– KIN ! hurlai-je en reconnaissant la chevelure blonde de ma sœur alors qu’elle partait au galop.

Je vis alors Galaenthir sortir à son tour. Il marchait vers moi en arborant un air grave. J’économisai ma salive et le croisai en courant sans lui accorder un regard. Je détachai rapidement mon cheval, le montai à cru et le lançai vers avant. Une fois dehors, je talonnai mon animal pour le faire partir au galop.

Je ne savais pas ce qu’il m’avait pris de vouloir suivre Kintyra dans cette purée de pois. Je supposai qu’elle avait suivi le chemin jusque la route car s’aventurer en dehors aurait été du pur suicide. Arrivée à l’embranchement du sentier avec la route, je vis dans la boue les sabots du cheval de ma sœur partir vers l’Est. Je sentis alors un pincement au cœur en pensant à ce que Kintyra prévoyait maintenant de faire. De nombreuses fois elle avait tenté de me convaincre de partir avec elle pour sauver mère, et maintenant qu’elle était hors de portée, j’étais terrorisée à l’idée qu’elle y aille seule.

J’envisageais les nombreux scenarii qui pouvaient intervenir quand un éclair frappa juste devant moi. La puissance de la foudre était telle que je sentis à peine mes poils se dresser et que j’étais déjà au sol. Ma chute me coupa le souffle et quand je le repris, je criai plus de frustration que de douleur. Je restai alors sur le dos, pantelante et regardant le ciel qui déversait ses trombes d’eau. Au bout d’un moment, j’entendis les sabots d’un cheval me rejoindre, puis aperçus le visage de Galaenthir au-dessus du mien.

– Alors ? On est calmée ? me demanda-t-il les cheveux et la barbe dégoulinante de pluie.

Catégories: BG de Lizeth Fanfiction LOTRO

Solena

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